Ҩ Los Angeles の 1 janvier 1990.
Un hiver semblable aux autres pour les habitants de Los Angeles. Le froid avait déserté ou n’avait jamais fait son apparition. La chaleur n’était pas celle de l’été, elle était parfaite. Et ce jour-là, en ce jour de janvier, le nouvel an animé les rues de la ville californienne. Des couples se baladaient, la fête foraine voyait les nombreuses peluches disparaître au fur et à mesure de la soirée, des jeunes sortaient dans les rues, bouteille à la main dans le simple but de fêter de jour exceptionnel. Aucun n’aurait pu songer que dans un petit hôpital chrétien, deux petites filles allaient voir le jour. Elles allaient naître de l’amour mutuel de ses parents. Pour eux, elles étaient comme un don de dieu, elles étaient les premières. Depuis quelques années maintenant, les analyses avaient montré une légère fertilité chez l’homme de vingt-huit ans. Ils ont essayé, tenté et comme ils le disaient si bien, dieu les a récompensés.
« Ce sont deux anges, Jeremy. Elles sont tellement sublimes … » ;
« Le portrait exact de leur maman. » Ce jour-là, Kendall-Jynn et Ivy-Skye Harper, filles de Jeremy Harper et de Tricia Richards-Harper. En ce jour de l'an nouveau, en guise de bouteille de champagne, deux anges étaient nés. Elles seront choyées et aimées comme il se doit. Elles ne seront pas les uniques filles Harper, Evalia naîtra trois ans après. Leur éducation sera menée à la perfection. Ecole privée, église chaque dimanche. Dès le debut, Tricia et Jeremy ont voulu que leurs filles soient les enfants modèles que tous parents souhaitent avoir.
Kendall-Jynn et Ivy-Skye sont devenues aussi brune que leur maman. Elles avaient les yeux de leur père, d'un marron profond. Elles étaient belles et ces enfants, au fil des ans, semblait se forger un caractère bien propre à elles et un contraire total de leur géniteurs. Bien qu’elles fassent comme si de rien n’était devant eux. Leurs notes étaient plutôt bonnes, du moins pour Ivy-Skye, ni excellentes, ni mauvaises pour Kendall-Jynn. Des attitudes exemplaires malgré leur envie de se rebeller se faisaient sentir, elles n'en montraient rien, en restant soudés. En dix années, les deux bébés avaient grandis, devenant enfants puis pré-adolescentes. L’évolution se voyait sur les nombreuses photos de famille, les albums photos aussi épais qu’un tronc d’arbre. Il n’y avait aucun doute à avoir quant à l’amour de Jeremy et Tricia. Un amour étouffant qui empêchait presque Kendall et Ivy de vivre. Elles avaient appris à vivre avec.
Ҩ Los Angeles の année 2001
A onze ans, on ne pense à rien d’autre qu’aux jeux, qu’au collège qui nous ouvre les portes. On dit adieu à l’école primaire et nous entrons dans le monde des moyens. Le début aussi de l’intégration au club d’abstinence. Il y avait peu de jeune de l'âge de Kendall et Ivy mais, les filles et les garçons étaient tous au lycée dans ce cercle. Tricia Harper était présidente, elle mettait beaucoup d’importance sur le fait que tous ses enfants restent vierges jusqu’au mariage. Encore plus pour ses filles d’ailleurs. Et tous les soirs, elle demandait, lorsqu'elles rentraient :
« Kendy, Ivy, comment était la réunion aujourd’hui ? » ;
« Comme toutes les autres, maman. Longue et répétitive. » Lors de ces réunions, chacun parler de ses exploits. Jenna, la meilleure amie de Kendall y allait aussi. Une perte de temps. Elles avaient onze ans, les rapports sexuels, elles s’en moquaient éperdument, tout comme des petits-copains. A cet âge-là, elles adoraient faire les tests dans les magazines, acheter des vêtements, lire les potins sur les célébrités. Des jeux de petites filles en somme. Kendall n’avait pas compris le pourquoi elle devait y aller. Ce n’est que plus tard qu’elle a découvert. Ses parents étaient des fervents catholiques. Très pratiquants. L’église, ils y allaient tous les dimanches depuis toujours. Avant de manger, une prière était dite. Ça avait toujours été comme ça chez les Harper. Cette famille bourgeoise qui entretenait de bon rapport avec la plupart des gens du quartier. Jamais il ne serait venu à l’esprit d’un des membres de faillir aux règles imposaient. Tout était strict. Et pourtant, Kendall sentait la rébellion qui envahissait son corps. Ce gros besoin de liberté la rendait étrange. Et pourtant, elle faisait comme si elle était comme ses parents. Tout comme Ivy. Tout comme Evalia.
Douze ans, rien. Treize ans, rien. Quatorze ans, une crise d’adolescente. Kendall-Jynn était en guerre permanente avec sa mère, son père était souvent absent. Les cris fusaient de jour en jour.
« J’en ai marre de ces réunions ! Je n’en peux plus de l’église … » ;
« Kendall-Jynn ! Dans ta chambre, maintenant et n’en sort plus. » Souvent les portes claquaient, souvent les larmes coulaient. Et bien entendu, quand Jeremy revenait, rien ne s’était passé. Et quand il repartait deux jours plus tard, la guerre reprenait là où s’était arrêtée.
« Je te déteste ! Tu comprends ça ? Je te déteste ! Tes principes de merde me font chier ! » Et parfois, bien sûr, ça allait bien plus loin. Une gifle que Tricia laissait échapper par inadvertance ou une punition sévère. Tout y passait. Et ça a duré une année entière. Quinze ans, calme plat. Tout était plus ou moins rentré dans l’ordre. Le dialogue restait difficile mais, on entendait plus les cris à travers les vitres. Un nouveauté que les voisins ont beaucoup apprécié.
Ҩ Los Angeles の année 2006
Le lycée avait ouvert ses portes pour Kendall, cette année. Seize ans. Elle s’était retrouvée avec Jenna. La première chose fut pour elles de s’inscrire pour devenir pom-pom girl. Prises sur essai. Elles continuaient leur réunion au club d’abstinence avec de moins en moins d’intérêt. Les seuls garçons qu’elles pouvaient prétendre fréquenter étaient ceux de leur classe. Autant dire minables et abrutis. Il ne valait pas la peine. Jenna et Kendall s’intéressaient aux élèves de terminale. Eux étaient matures et grands. Aucuns d’eux ne les abordaient. Sauf ce jour, la fin des cours avait sonné, il était l’heure pour Kendall de rejoindre le club quand Cayden Sanders, le beau garçon, le rebelle, le footballer le garçon que Kendall aimait regarder à la cafétéria et sur le terrain lorsqu’il faisait les entraînements. Elle avait eu l’occasion de lui parler plusieurs fois … ou du moins, de se faire bousculer et de lui hurler de dessus.
« Kendall, attends ! » ;
« Sanders, que me vaut le plaisir de ta présence en ma compagnie ? Tu ne vas pas me pousser ou renverser mon sac aujourd’hui ?» Il ria, pas elle. Elle en avait marre d'être un jouet pour lui.
« Mais non … J’aimerais t’inviter à boire un verre et pourquoi pas aller au cinéma, si tu veux bien. Je me ferais pardonner comme ça. » Choquant. Elle avait l’impression de rêver. Depuis le temps qu’elle attendait cela, elle n’en croyait pas ses yeux, ses oreilles. La question qu’elle se posait : devait-elle dire oui ou non ? Et si c’était pour se moquer d’elle ? Avait-il vraiment envie de passer une soirée avec elle après ce qu’il lui avait fait subir dès le collège.
« Si tu y tiens, j’accepte. » ;
« Merci. Je passe te prendre à 18heures samedi soir. » Rentrée à la maison, elle en parla à Tricia, sa mère qui l’autorisa avec beaucoup de réticence.
Le jour venu, elle fut prête en avance. Sa chambre était recouverte de vêtements, robes, jupes, jeans … ses placards étaient vides. Elle avait finalement choisi la simplicité ce jour-là. Et lorsqu’on sonna à la porte, elle ouvrit la porte aussitôt.
« Tu es magnifique … » ;
« Je ne porte qu’un simple jean tee-shirt … pas de quoi fantasmer ! » ;
« Oui ... c'est vrai. Tu veux qu’on aille où ? » ;
« Je t’arrête toute suite. C’est toi qui choisis. Tu as voulu m’inviter, tu te débrouilles » Ils avaient marché, mangé, bu. Ils avaient vu un film. Kendall n’y comprenait pas grand-chose, elle était peut-être trop concentrée sur la main du jeune garçon qui frôlait la sienne. Elle sentait sa maturité s’envoler. Elle allait vite ressemblait à toutes les autres filles si elle continuait. Des filles qui rigolent sans raison, qui draguent, qui se maquillent toutes les cinq minutes, qui tombent presque dans les pommes lorsqu’un terminal les aborde. Kendall le refusait. Et c’est pour cela que le trajet du retour fut rapide. Elle voulait avoir son propre caractère. Mature, simple et plus intelligente que ces pimbêche de seconde zone. L’arrivée à la maison la chamboula, que devait-elle faire s’il ne partait pas. Mais il ouvrit la bouche.
« Kendall … je t’ai pas invité par hasard, tu sais. On se connait depuis un moment maintenant … enfin, depuis le collège. Et même si je n’ai jamais été un ange avec toi … J’ai appris à te connaitre au fur et à mesure et … » ;
« Et tu tournes autour du pot Cayden ! » Peut-être faisait-elle tout pour le mettre mal à l’aise ? Peut-être qu’au fond, elle riait de voir le garçon sur qui elle avait des vues depuis plusieurs année maintenant être en difficulté pour lui dire ce qu’il avait à dire.
« Bon d’accord, tu me plais ! Je te trouve magnifique … voilà … » ;
« Eh bien tu vois quand tu veux ! » Elle ne dit rien d’autre ce jour-là. Elle le quitta en déposant ses lèvres sur sa joue et ce fut la fin de la soirée.
Une jeune brune pleurait sur les fauteuils de la salle d’attente. Elle était seule et attendait. Pourquoi était-elle là ? Personne ne le savait, même pas la secrétaire qui lui avait dit de se calmer avant de revenir la voir. Elle laissait couler ses larmes silencieuses sans que personne ne s’en soucie réellement. Sauf peut-être une. Un jeune homme qui venait d’arriver, essoufflé, trempé par la pluie qui battait dehors. Il n’avait pas mis longtemps pour la prendre dans ses bras et la réconforter. Qui était-il ? Son petit-ami depuis plusieurs semaines maintenant. Un amour sincère à ce qu’on en voyait.
« Qu’est qui se passe mon bébé ? » ;
« C’est … Jenna ! » Il n’en fallait pas plus pour qu’il comprenne. Jenna était la meilleure amie de la jeune fille, Kendall, depuis plusieurs années, depuis presque toujours. Elles avaient toujours été inséparables même lorsque chacune avait eu un petit-ami. Elles privilégiaient toujours leurs sorties à elles plutôt que celles en amoureux. Jenna et Kendall étaient deux jolies filles populaires et pourtant une chose n’allait pas. Ellex faisaient toutes les deux parties du club d’abstinence depuis le collège, elles se ressemblaient beaucoup. Toutes deux brunes. Elles aimaient les mêmes choses. Et la seule qui les différenciait c’était le cancer de Jenna. Elle était malade depuis quelques années et aujourd’hui avait été l’ultime rechute.
« Jeni … ne me laisse pas ! Tu n’as pas le droit … » ;
« Je suis désolée ma Keni, je ne veux plus me battre … je n’en peux plus. » Elle était la seule a l’appelait par ce surnom, personne d'autre qu'elle ne pouvait l'utiliser, c’était un peu le code entre elles. Kendall savait au fond d’elle que plus jamais elle ne la reverrait ou simplement dans ses songes. Elle n’aurait jamais plus de meilleure amie. Jamais personne ne reprendra sa place car elles s’étaient toujours promis que leur amitié durerait pour l’éternité, même après la mort.
« Je t’oublierais jamais Jeni, jamais. Je t’aimerais toujours, personne ne te remplacera. » ;
« Je resterais toujours près de toi, quoiqu’il arrive. Même loin, je continuerais à t’aimer, te protéger. Je serais ta meilleure amie pour toujours, Keni. » Ҩ Los Angeles の Fin aout 2007.
Depuis plusieurs semaines, Kendall avait appris quelque chose qui l’a tracassé beaucoup … ou plutôt, une chose qu’elle ne devait pas dire. Depuis qu’elle sortait avec Cayden, Kendall s’efforçait de faire croire à sa mère que rien ne s’était encore passé entre eux, sexuellement parlant du moins. Gros mensonge. Cela faisait plus de deux ans qu’elle était avec lui, elle l’aimait, il l’aimait et ils avaient même l’intention de se marier. Ce qu’ils n’avaient pas prévu c’est ce petit accident.
« Maman ? » ;
« Oui Kendy ? » Comment annonçait à sa mère que la vie est en vous ? Malgré tous les commentaires, témoignages ou aides qu’elle avait reçu, elle ne savait pas. Cash était la meilleure des solutions.
« J’attends un enfant de Cayden, c'est un accident et … » ;
« Comment as-tu pu faire ça ? Je pensais que tu attendrais ! Que vous attendrez ... » Si seulement elle savait que ce n’était pas la première fois, que cela faisait un moment que cela durait, elle serait certainement furieuse. Le problème, Kendall était tombée enceinte sans s’en rendre compte. Elle ne savait même pas comment cela était possible.
« Qu'est-ce qu'on va faire ? Qu'est-ce qu'on va faire ? Oh mon dieu. » Il n'y avait pas grand chose à faire.Donner naissance à cet enfant, l'élever.
« Tu me déçois tellement ... Tu as pensé à mettre un terme à tout ça ? » ;
« C’est trop tard, je ne peux pas … c’est trop tard … On veut le garder, maman. On trouvera une solution. On s'en occupera. » Cela faisait presque quatre mois qu’elle était enceinte, elle avait décidé de le garder avec Cayden. Leur amour était fort, suffisamment fort pour supporter un bébé entre eux.
« Ce garçon t'a vraiment rendu idiote ma fille. Qu'il en soit ainsi, tu seras la honte de notre famille... Mais je n'y peux rien. On te trouvera un appartement avec la mère de Cayden, vous y vivrais. On vous aidera, mais ne viens jamais me dire que tu regrettes. » ;
« Je suis désolée maman ... j'aurais dû faire attention. C'était stupide. » ;
« Tu es stupide. Tu as brisé ta promesse. Et ton voeu d'abstinence. Tu as beaucoup de chance d'avoir une mère comme moi, certaines t'auraient jeté dehors. » La bonne nouvelle, elle avait réussi à tout dire à sa mère, elle allait tout de même devoir se débrouiller seule malgré tout. Cayden serait heureux.
Autour d’un verre, dans le canapé, dans ses bras, elle n'avait toujours pas annoncé la nouvelle à Cayden. Elle savait pertinemment quelle réaction il pourrait avoir lorsqu'il apprendrait la nouvelle.
« Cayden … je l'ai dit à ma mère pour le bébé ... » ;
« Putain ! Pourquoi t'as fait ça ? » Tout était normal jusque là, elle avait prévu le coup. Il s'était éloigné, la colère se lisait sur son visage. Qu'allait-il lui faire de plus que lui dire qu'elle avait eu tord sans cesse ? Rien.
« Attends, laisse-moi finir ... » ;
« Tu n’aurais jamais dû lui dire … je t’ai dit que j’allais louer un appartement pour nous deux, que tu pourrais vivre tranquille sans le lui dire. Je ne veux pas qu'elle m'éloigne de toi, mon bébé … qu’est-ce que je vais devenir sans toi ? » ;
« Cayden, elle n'a rien dit ! Enfin, elle a un peu crié, j'ai eu droit à des mots difficiles à entendre, mais elle m'a dit qu'elle nous aiderait, qu'elle trouverait un appartement avec ta mère. On vivra ensemble. » C’était dit et la tête qu’il faisait était ce qui faisait office de réponse avant qu’il ouvre la bouche.
« Vraiment ? Mais ... je pensais qu'elle serait dévastée, qu'elle ferait tout pour t'envoyer dans un pensionnat ... C'est ... c'est merveilleux » ;
« On va enfin pouvoir commencer notre vie. » Kendall avait dix-sept ans, lorsque son bébé verrait le jour, elle aura dix-huit ans, à peine. Et pourtant, elle ne semblait en aucun cas paniqué par l'avenir. Elle se sentait bien. Cayden à ses côtés, des projets par milliers, elle pouvait vivre sereine pour le moment.
Si la vie de Kendall avait des allures idylliques tout a changé au fil des années. Comment ? Pourquoi ? Elle n'en avait pas la moindre idée. Le destin, sans doute. Un mauvais karma. Et lorsque aujourd'hui, elle raconte son passé, elle oublie son enfance, ses soeurs. Elle oublie sa famille pour ne penser qu'à Cayden et sa fille.
« Le destin joue parfois de mauvais tour. Des évènements surgissent sans que l'on ne les attendent vraiment. J'aurais dû être une maman d'une petite fille de cinq ans, être mariée à l'homme que j'ai le plus aimé et que j'aimerais à jamais. La cruelle destinée a voulu que je perde Charlie alors que je devais accouché deux semaines après. Elle est morte avant même que je n'ai pu voir ses yeux. Sa peau. Cayden n'a pas supporté. Il a tenu quelques semaines, à tenter de me faire aller mieux et il est parti. Où ? Je n'en sais rien. Je ne veux pas le savoir. Je n'ai plus eu de nouvelles de lui depuis cinq ans. Il pourrait être mort, je n'en saurais rien. Il a disparu et je n'ai pas cherché à le rattraper. » Kendall est devenue institutrice, vivant une vie morose. Derrière un sourire faux, elle cache une profonde blessure. Une plaie ouverte que personne n'a jamais su refermer. Elle n'a jamais eu d'autres hommes dans sa vie. Et pourtant, après cinq ans, elle se dit qu'il est tant d'aller de l'avant.